« Les gens pensent que je suis juste un clochard »
Sur la Petite place de Croix-Rousse, proche du Burger King, c’est impossible de le manquer : Martial vit dans les rues du quartier depuis plusieurs années. Mais qui se cache derrière ce personnage couvert de tatouages ? Tribune de Lyon s’est assis une heure avec lui sur le trottoir.
Il accepte de nous parler à une condition qu’il oubliera rapidement : « Non, je ne vous demanderai pas d’aller m’acheter une autre bière, sourit-il. Simplement un « back flag » ». Un drapeau pirate que l’on pourra trouver sur cette petite étale, toute proche, qu’il nous pointe du doigts. Un symbole de son parcours marginal et de son âme rebelle qu’il revendique avec une fierté non dissimulée. « Je déteste les institutions », crache-t-il.
Il est à peine 10h ce samedi matin, jour de la Grande braderie de la Croix-Rousse. Un autre SDF s’approche, l’invitant à aller dérober quelques denrées sur le marché avec lui. Martial décline. Quand l’appétit le ronge, il préfère demander directement aux passants. En seulement une heure, ils seront d’ailleurs nombreux à le saluer, l’interpeller par son prénom ou lui offrir une cigarette.
C pour Caroline. Martial squatte le bitume du Plateau depuis maintenant 6 ans. Né « sur le trottoir », celui qui ne dévoilera pas son patronyme, a rejoint la Croix-Rousse pour une histoire d’amour. « Je me suis, depuis, beaucoup attaché au quartier. Je le quitte seulement pour partir en pèlerinage en Normandie, où se trouve ma famille ».
Chaque jour, il voit les enfants grandir un peu plus, dessine pour eux des marelles colorées sur le sol. « Je peins le trottoir pour que les gens puissent avoir le sourire quand ils vont au boulot ou à l’école. » Travailler ? « Ma vie est ici. Assis par terre, on peut rencontrer le monde ». Martial affirme avoir enchaîné divers boulots dont celui de tatoueur. L’encre habille d’ailleurs une bonne partie de son corps jusqu’à son visage. Son premier tatouage, un C pour Caroline sur le poignet, a été réalisé à 12 ans. Il a depuis longtemps été recouvert.
Avec un petit appareil photo, cadeau d’une amie qu’il conserve soigneusement, il capture les instants de vie qui le touchent et le nourrissent. Martial sort des feuilles à dessins et griffonne un croquis pour nous l’offrir. Un jour, il écrira un livre, se convainc-t-il. « Les gens pensent que je suis juste un clochard mais j’apporte des mots d’amour », lance-t-il en désignant le message qu’il a taggé sur le mur : « fuck off » (va te faire f…), ponctué d’un coeur. « Il faut toujours dire les choses avec amour ».
Romain Desgrand
Bio Express
Né en 1973 au Havre, Martial vient de fêter la 19 septembre son 45e anniversaire
Son Spot favori
La Petite place de la Croix-Rousse
Retrouvez chaque semaine 4 pages dédiées au Plateau et aux Pentes de la Croix-Rousse dans l’édition La Croix-Roussienne de Tribune de Lyon.